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STORLOK
Texte écrit par Jovial ici
L'épopée de la musique bretonne des années 1950 à nos jours peut parfaitement être découpée suivant plusieurs périodes distinctes qui représentent toutes le moment précis où tel artiste, tel album ou tel groupe est venu ressouffler sur les braises et lui insuffler une énergie nouvelle. La décennie 1950 voit ainsi le renouveau du kan ha diskan avec les Sœurs Goadec, Marcel Guilloux et autres Frères Morvan, tandis que les festoù-noz réapparaissent sous l'impulsion décisive du chanteur Loeiz Ropars. Quelques années plus tard, c'est au tour du barde GLENMOR de reprendre le flambeau et de rester l'un des premiers artistes à mêler langue bretonne, folk et revendications politiques. Enfin, l'aube des années 70 voit la consécration d'une jeune génération d'artistes menée de front par Alan Stivell et Tri Yann, qui connaîtront un succès dépassant largement les frontières de l'ancien duché. Mais quid de la suite ? Sans s'imaginer un vide artistique à proprement parler, la scène bretonne ne parviendra que rarement à se renouveler jusqu'aux années 90, décennie où l'avènement d'Ar Re Yaouank, Erik Marchand ou encore Barzaz ravivera un feu trop souvent laissé au soin des quelques aînés cités plus haut. Il existe pourtant une formation qui a parfaitement su marquer son monde à l'époque, et suffisamment pour que son influence s'en ressente encore de nos jours. Qui donc ? STORLOK bien sûr ! Le premier groupe de rock breton ! (1)
À l'origine, le mot « storlok » désigne quelque chose comme le vacarme, le claquement d'une porte, un cognement soudain, le ramdam quoi. Un patronyme qui sied ainsi à merveille à ces neuf Bretons-ci, dont le projet avoué était de secouer les codes de la vieille garde. Sortir des ringardises de TRI YANN, terminée la harpe celtique, en finir avec les bagadoù pour se diriger vers quelque chose de plus moderne, plus dur et rebelle. L'esprit insoumis de GLENMOR croise ici le chemin des punks anglais, STORLOK fera du rock. Rien à voir avec les frasques de Sid Vicious ou les guitares bien saturées des DAMNED évidemment, mais l'idée était cependant la même : faire bouger tout ça ! Les hymnes révoltés abondent donc en ce sens sur Stok ha Stok, premier et unique album du groupe sorti en 1979. « Kastell Rock » s'élève contre la tyrannie parentale et son immobilisme, chantée dans cet accent léonard inimitable ; « Gwerz Marv Jorj Jackson » dénonce le meurtre du militant Black Panther George Jackson mais aussi l'indifférence du public face à cela (« Te a sell ouzh an tele/Goût ouzez 'peus gwad war da zaouarn ? » (2) ; le folk « Evid Kaout an Arc'hant hag Ar Galloud » (3) est une critique acide de la société contemporaine, de la violence des guerres à celle des usines ; « Keleier Plogoff » achève enfin sur l'affaire de Plogoff, la douceur de Mona Jaouen au chant parvenant presque à masquer l'immonde réalité de cette fumisterie nucléaire.
Stok ha Stok a été composé entièrement en breton et c'est une grande première pour un album de ce style. Entendre cette langue sur un bon vieux rock des familles pourrait sembler étrange voire délicat, mais passe crème chez STORLOK et même pour les non-bretonnants. À titre d'exemple, un morceau tel que « Boutoù Koat dre Dan » apparaît comme la parfaite rencontre entre blues du Mississippi et langue bretonne, à se mettre à fond sur les routes d'été ! La version live de « Gwerz Marv Jorj Jackson », présente à l'origine sur le single Gwerz an Di labour (1978) mais inclus pour la réédition, pratique également un rock explosif très typé hard seventies et reste l'un des grands classiques du groupe. Autre fameux morceau, « Gwerz ar Vezhinerien » propose une ballade simple mais absolument magnifique, qui sera notamment reprise par Denez Prigent sur Ar Gouriz Koar en 1993. Enfin, « Marjanig » est l'histoire d'une autre alliance étonnante et réussie, celle d'une chanson traditionnelle et coquine de Cornouaille rythmée de percussions orientales sur fond de liesse populaire. Un autre exemple de brassage des styles qui anticipe de dix ans les projets d'Erik Marchand, dont le croisement entre musique bretonne et musiques d'ailleurs restera son fil conducteur. STORLOK était un groupe de pionniers. À un moment où la grande majorité des artistes bretons se passionnait pour le folk celtique et les chants traditionnels, STORLOK rompt la chaîne en écrivant ses propres textes, vivant de plain-pied son époque avec des thèmes sociaux et politiques. La filiation avec Glenmor, Youenn Gwernig ou Gweltaz ar Fur est assumée mais le groupe semblait vouloir s'en aller plus loin, et pas seulement en choisissant le rock. Faire du breton peut-être, au même titre que l'anglais, une langue de contestation pour une jeunesse en ébullition. L'utopie était particulièrement osée et c'est sans doute pour ça qu'elle est belle … Et que, plus de trente ans plus tard et malgré quelques rides, le vinyle tourne toujours sur les platines du pays.
(1) Que l'on évitera de confondre, s'il vous plaît, avec le rock celtique !
(2) « Toi qui regarde la télé / Sais-tu que tu as du sang sur tes mains ? »
(3) « Pour obtenir l'argent et le pouvoir »
Bernard Tangi : Né en 1949 à Carantec (Bretagne), Bernez Tangi décide de courir le monde après ses études (Europe, Amérique, Asie, Afrique). Peintre, chanteur et poète, il est à l'origine, avec Denez Abernot et huit autres musiciens, du premier groupe de rock breton Storlok (1976-1980). Écrivain de langue bretonne, il édite trois recueils de poésie : en 1987, Fulennoù an Tantad (Mouladurioù-Hor Yezh), pour lequel il reçoit le prix Imram, Rod an Avelioù (Skrid) en 2001 et Ar Saouzanenn (Skrid) en 2010. En 1988, il réalise un court métrage pour la télévision : An heliko a ya kuit da beder eur (L'hélico part à 4 h) . Il autoproduit en 1990 une cassette, Kest al lec'h (La Quête du lieu) et enregistre en 2001 un CD Eured an diaoul (Les Noces du Diable) produit par An Naer. Après Carhaix (29) en 1999, une exposition de ses peintures est organisée au mois d'avril 2009 par Ti ar Vro à Quimper. Ses textes apparaissent régulièrement dans des publications étrangères, revues ou ouvrages, consacrées à la poésie ou à la littérature. Ainsi, certains de ses poèmes ont été traduits dans une dizaine de langues (anglais, lituanien, polonais, tchouvache, italien, allemand, flamand ou serbo-croate). Il a été à plusieurs reprises invité pour des lectures et pour présenter son œuvre (Pologne, 2008 ; Islande (Reykjavik), 2007 ; Allemagne (Berlin), 2005 ; Lituanie (Vilnius), 2004 ; Autriche…). En 2003, il met en scène ses poèmes, en compagnie du guitariste Soïg Sibéril et de la comédienne Nolwenn Korbell. Fin 2005, il publie aux éditions Tarv Ruz, Chien de Feu, choix de poèmes traduits pour la première fois en français et accompagné d'un CD des textes dits en breton par leur auteur. En avril 2009, il enregistre Lapous an tan, produit par Tarv Ruz. Bernez Tangi sort en février 2016 son premier roman, 1973, aux éditions Skrid.
Insert 45 tours original
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ALARM ---- A 3 DANS LES WC ---- ARLEQUIN ---- BONDAGE-T ---- BRAMSTOCKER ---- CAFÉ MOZART ---- CAME AUX DAMÉLIAS ----
CAMBOUIS ---- CHECKMATE ---- CHRYS ALICE ---- CORAIL ---- ELECTRICK GARBAGE ---- FRAKTURE ---- JEAN-GUY RUFF ----
LARRY MARTIN FACTORY ---- MARQUIS DE SADE ---- MICKEYNSTEIN ---- MISTRAL ---- ODEURS ---- PRIVÉS ---- ROBERT KARAYAN ---
ROCK N'ROLLER ---- ROTTERS ---- SAFETY ---- SMILER ---- STORLOK ---- STRYCHNINE ---- THERESE FORMOL
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